Radiographier les œuvres d’art : explorer l’invisible

Au sein de notre laboratoire, nous utilisons les radiographies d’œuvres d’art pour révéler ce que l’œil ne peut pas voir. Cette technique, comparable à une radiographie médicale, permet d’explorer les couches cachées d’un tableau ou d’un objet artistique sans l’endommager. Grâce à cette approche scientifique, nous accédons à l’histoire matérielle et créative des œuvres que […]

Au sein de notre laboratoire, nous utilisons les radiographies d’œuvres d’art pour révéler ce que l’œil ne peut pas voir. Cette technique, comparable à une radiographie médicale, permet d’explorer les couches cachées d’un tableau ou d’un objet artistique sans l’endommager.
Grâce à cette approche scientifique, nous accédons à l’histoire matérielle et créative des œuvres que nous étudions.

Pourquoi nous utilisons la radiographie

Nous avons recours à cette méthode pour plusieurs raisons essentielles :

1. Mieux comprendre la technique de l’artiste
   La radiographie dévoile la structure interne d’une œuvre : dessins préparatoires, repentirs ou zones repeintes. Elle permet ainsi de mieux comprendre le geste de l’artiste et son processus de création.
2. Évaluer l’état de conservation avant intervention
   Avant toute restauration, nous réalisons une radiographie afin de repérer fissures, déformations du support, clous ou restaurations anciennes. Ces informations nous aident à adapter nos interventions et à garantir le respect de l’intégrité de l’œuvre.
3. Identifier des ajouts ou transformations
   Au fil du temps, certaines œuvres ont été modifiées ou retouchées. La radiographie met en évidence les différences de densité entre les matériaux, ce qui permet de distinguer les parties d’origine de celles ajoutées ultérieurement.

Comment fonctionne cette technique

Une source de rayons X est placée d’un côté de l’œuvre et un capteur (ou film numérique) de l’autre. Les rayons X traversent les différentes couches de peinture et sont plus ou moins absorbés selon la densité des matériaux.

• Les pigments contenant du plomb, comme le blanc de plomb, sont radio-opaques : ils arrêtent les rayons et apparaissent en blanc sur l’image radiographique.

• Les pigments plus légers, comme les ocres ou certains bleus, laissent passer davantage les rayons et apparaissent plus sombres.

Cette différence de contraste révèle la structure interne de l’œuvre : couches de peinture, repentirs, support et restaurations.

Schéma explicatif :

 

Une méthode au service de la recherche et de la conservation

La radiographie ne se suffit pas à elle seule : elle fait partie d’un ensemble de techniques complémentaires que nous utilisons dans notre laboratoire pour examiner une œuvre dans sa globalité.
Parmi elles (voir article « L’imagerie scientifique : découvrir les secrets cachés des œuvres d’art »:

• La réflectographie infrarouge (IRR), qui révèle les dessins sous-jacents réalisés au carbone ;
• La fluorescence X (XRF), qui identifie la composition chimique des pigments ;
• La photographie en lumière rasante ou ultraviolette, utile pour observer les vernis et les restaurations.

En combinant ces méthodes, nous obtenons une vision complète de l’œuvre et de son état, tout en respectant son intégrité.

Quand la science révèle l’histoire des œuvres

Les radiographies réalisées dans notre laboratoire ont permis de révéler des détails inattendus : dessins préparatoires dissimulés, signatures cachées, restaurations anciennes, voire des compositions entières recouvertes par l’artiste lui-même.
Ces découvertes enrichissent la connaissance des œuvres et permettent de mieux comprendre les choix techniques et esthétiques des artistes.

La radiographie est un outil essentiel de notre travail d’analyse. En révélant les couches invisibles des œuvres, elle nous aide à comprendre leur histoire, à aider à leur restauration et à garantir leur préservation pour les générations futures.
À travers ces méthodes scientifiques, notre laboratoire fait dialoguer l’art et la science pour mettre en lumière ce que le regard seul ne peut percevoir.